Leçons de Ténèbres de Bouzignac « Le Poème Harmonique

Leçons de Ténèbres de Bouzignac

Dans la pénombre d’une église, percée seulement par une douzaine de cierges, des voix s’élèvent. Les Lamentations de Jérémie, poèmes sur la solitude qui hante la semaine sainte, résonnent avant le réveil de Pâques. Les flammes s’éteignent au fil des chants, jusqu’à l’obscurité complète. Leçon de ténèbres : ainsi nomme-t-on, dans la France du Grand Siècle, ce rituel nocturne.

Mais quels sont ces accents qui bravent le goût mondain, acquis à la grâce de Couperin et aux profondeurs de Charpentier ? D’où vient cette extravagance italienne qui bouscule la muse française ? Suivons-les jusqu’en Occitanie, où Guillaume Bouzignac les respire dans les vents d’outremonts, les cultive sur sa terre languedocienne. À moins que ce musicien itinérant, dont les traces se perdent entre Narbonne, Rodez, Carcassonne, Angoulême, Grenoble, Clermont-Ferrand, n’ait lui-même franchi les Alpes.

Toujours lié à une chapelle, proche de grands seigneurs provinciaux, il compose en sculpteur de voussure, en peintre de vitrail. Chaque élan, chaque affect prend chez lui la force de l’image, s’impose à l’oreille la plus humble. Ainsi dans ses Lamentations, où le madrigalisme montéverdien rencontre une piété populaire issue du Moyen Âge.

Avec Bouzignac, Vincent Dumestre et Le Poème Harmonique retrouvent l’atmosphère surnaturelle des Leçons de Ténèbres (albums Couperin et Lalande), ici nourrie par les métissages et les influences immémoriales qui forment leur bagage depuis toujours.