Brève histoire de la Chapelle Corneille

C’est en 1615 que Marie de Médicis pose la première pierre du collège de Rouen, fondé par les jésuites. Dans cet établissement, qui deviendra en 1873 le lycée Corneille, l’ordre religieux accueille depuis la fin du xvi^e siècle un nombre croissant d’élèves. La nouvelle église est destinée aussi bien à ces derniers, devenus nombreux, qu’aux habitants du voisinage. À la Révolution, la chapelle devient magasin de fourrage, mais en 1799, l’ingénieur Le Masson en fait le premier musée des Beaux-Arts de Rouen : elle accueille ainsi des œuvres confisquées au clergé et à la noblesse. En 1895, il est envisagé de détruire l’église pour agrandir le lycée ; grâce à l’opposition de la Société des antiquaires de Normandie et de la Société française d’archéologie, elle sera finalement classée au titre des monuments historiques en 1910. Endommagée en 1942 par un bombardement, la chapelle est restaurée lentement, par étapes successives, jusque dans les années 1990, n’ouvrant qu’exceptionnellement pour des concerts. C’est en 2004 que la région entreprend un grand chantier de réhabilitation, pour un montant de plusieurs millions d’euros. Grâce à ces travaux, la chapelle rouvre aujourd’hui ses portes en tant qu’auditorium, pour des saisons musicales d’exception.

Lorsque les jésuites reçoivent le terrain pour la construction de la chapelle, il reste peu de place dans le nord-est de Rouen. En effet, les édifices catholiques se sont multipliés au xvi^e siècle, en réponse à la réforme protestante, et l’architecte François Derand doit composer avec un espace limité. Néanmoins, l’église est la troisième de Rouen en dimension, après la cathédrale et l’église abbatiale Saint-Ouen. Les jésuites étaient restés fidèles à l’architecture gothique, qu’on retrouve dans les hautes voûtes du bâtiment et dans les contreforts qui le maintiennent de l’extérieur. Cet héritage du passé cohabite avec des éléments typiques de la Contre-Réforme : pour favoriser l’accès au culte et sa lisibilité, l’espace est continu, sans séparations entre les parties de l’édifice. Les portes latérales donnent aussi bien sur le lycée que sur la rue, signe que la chapelle accueillait à la fois les élèves et les citadins. L’intérieur de l’église est baigné par une grande clarté, grâce aux vitraux dont le verre est quasiment transparent. La décoration fait bien sûr une large place au Christ et à la Vierge, mais aussi aux anges, dont le culte s’était développé au xvi^e siècle. On peut les distinguer au nombre de leurs ailes : deux pour les anges eux-mêmes, quatre pour les chérubins, six pour les séraphins.

Le poème harmonique

Vincent Dumestre

Brève histoire de la Chapelle Corneille